Conversation en tandem avec Tristan Paprocki (Galerie Romero Paprocki, Paris) et l'artiste Lou Ros, menée par Emanuela Mazzonis
Emanuela Mazzonis : Bonjour, Tristan Paprocki et Lou Ros. Merci de participer à ce cycle d’interviews consacré à une sélection de galeries qui exposent pour la première fois à Luxembourg Art Week. Pour commencer, j’aimerais que Tristan nous présente la galerie Romero Paprocki, qui a été fondée en 2021 à Paris et qui expose des artistes émergents et établis de la scène contemporaine internationale.
Tristan Paprocki : Bonjour. Guido Romero Pierini et moi-même nous sommes rencontrés en 2020 lors d’une grande exposition qu’il avait organisée, So Close, avec 16 artistes dont Lou Ros. Nous nous sommes associés en 2021 pour fonder Romero Paprocki et représenter des artistes contemporains émergents. Nous voulions un lieu à dimension muséale afin d’être à la hauteur des œuvres que nous comptons y présenter. Le contexte spatial vient étayer le discours des artistes en mettant en lumière leur travail et leurs réflexions, en révélant une forme, un dialogue, une signification, une articulation donnés. La galerie doit être un espace-temps unique, un environnement propice à la réflexion et à la contemplation, à l’échange autant qu’à l’introspection, pour faire émerger un discours au service de l’art. Après un an de recherches, la galerie a ouvert son premier espace en octobre dans le Marais à Paris.
EM : Lou, tu as commencé le graffiti à l’âge de 16 ans dans les rues de Paris, puis tu es passé à une peinture plus figurative (je pense à tes portraits et séries d’oiseaux), mais en même temps abstraite (je fais référence à la série de paysages). Dans cette dernière, les toiles semblent être divisées en deux par une ligne d’horizon qui sépare des taches de couleur évanescentes. J’y vois une référence à Mark Rothko (l’expansion de la couleur à partir des bords de la toile) et la Color Field Painting. Tes techniques sont variées : tu utilises beaucoup l’acrylique, mais aussi de la peinture aérosol, du pastel et un peu d’huile. Est-ce que tu peux nous parler de ta formation artistique et comment tu as développé ton style actuel ?
Lou Ros : Quand j’ai commencé à travailler, j’admirais Francis Bacon et Cecily Brown, ce qui m’a incité à travailler sur la figure humaine. Je pense que je me suis un peu trop focalisé sur ce thème, et dernièrement j’ai eu envie de rendre hommage à une autre espèce vivante que l’homme ne cesse de meurtrir depuis de nombreuses années : la nature et les oiseaux, que j’aimais observer et découvrir quand j’étais enfant. Après avoir longtemps travaillé sur des sujets figuratifs, je me suis donc concentré sur la manière la plus efficace de représenter un paysage. Quand on parle de paysages simplifiés, il faut évidemment être conscient du mouvement de la Color Field Painting. Les œuvres de Helen Frankenthaler, d’Etel Adnan ou de Robert Motherwell sont essentielles pour moi. Dans mes paysages, j’essaie de flirter avec les limites de l’abstraction en évitant de spécifier l’architecture et la présence humaine. Ce faisant, j’évite de définir une temporalité. Qui plus est, la texture de la peinture aérosol est devenue comme une sorte de signature, elle me permet de séparer le ciel et la terre.
EM : Les géants de l’Internet (les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon) font désormais partie intégrante de notre vie quotidienne. Nous sommes contrôlés, espionnés, quasiment accaparés par les Big Four, mais en même temps nous ne pouvons plus vivre sans eux. Nous utilisons – je dirais de manière obsessionnelle – les ressources que ces « monstres » numériques mettent à notre disposition. Il en va de même pour les réseaux sociaux, qui remplissent nos journées et dictent nos comportements. J’aimerais demander au galeriste et à l’artiste que vous êtes comment vous vous adaptez au monde ultra-numérique. Vous fait-il peur, y voyez-vous un risque pour notre identité, notre créativité et notre personnalité ou pensez-vous qu’il aura des retombées positives dans un avenir proche ?
TP : En tant que jeune galeriste, j’ai évolué dès le début de ma carrière avec les réseaux sociaux et les expositions et ventes en ligne. Je pense que ce sont des outils indispensables pour offrir une visibilité internationale aux jeunes artistes et aux jeunes galeries. Ils nous permettent aussi d’entrer beaucoup plus facilement en contact avec des artistes étrangers ou de nouveaux collectionneurs.
LR : En tant qu’artiste, il est important de s’adapter. Il est bien sûr possible d’avoir une visibilité sans réseaux sociaux, mais pour moi l’essence de l’intelligence humaine est sa capacité d’adaptation. C’est pourquoi je pense qu’il est important d’être conscient de cette nouvelle réalité sans pour autant déborder d’enthousiasme. Emanuela Mazzonis Pour finir, je voudrais demander à Tristan de nous dire en quelques mots à quoi ressemblera son stand à Luxembourg Art Week.
TP : Nous allons présenter une sélection des artistes de la galerie pour montrer toute l’étendue de notre programmation artistique et donner de la visibilité à tous. Je pense que nous exposerons une œuvre par artiste, avec un mélange de peintures et de sculptures.