Interroger le sens de l’image à travers le pouvoir de l’art, le dialogue entre différents médiums et l’élargissement des frontières artistiques sont des thématiques centrales dans les visions féminines contemporaines. Collectivement, les artistes sélectionnées dans ce parcours remettent en question les conventions du médium, offrant de nouvelles possibilités de perception et d’interprétation de l’art. Issues de cultures, de générations et d’expériences de vie différentes, ces artistes interrogent le sens de la vision, l’instabilité des significations que nous attribuons aux choses et le rôle que nous jouons dans la société actuelle.
Par Emanuela Mazzonis
La mémoire comme fil conducteur artistique
Le thème de la mémoire, en tant que memento de lieux lointains liés à notre enfance, de temps révolus et de contes de fées qui ont accompagné la croissance humaine, constitue un fil récurrent dans les œuvres de divers artistes. Malgosia Jankowska (1978, Pologne), représentée par Victor Lope Arte Contemporaneo (A02) à travers ses aquarelles translucides et délicates, met en contraste la nature et l’identité humaine, le passé et le présent, le rêve et la réalité, les peurs et les désirs, nous rappelant le rôle de notre subconscient secret. Claire Nicolet (1988, France), représentée par EDJI Gallery (D12) se concentre quant à elle sur des paysages monochromatiques bleus, évocateurs de mondes lointains, suspendus entre réalité et imagination, sérénité et solitude. Les silhouettes florales, se détachant avec grâce sur les paysages en arrière-plan, ouvrent notre esprit à des horizons surréels. Elles nous éloignent de la frénésie du quotidien et nous invitent à laisser libre cours à notre imagination.
Le passage du temps
Michelle Paterok (1994, Canada), représentée par Duran Contemporary (D19) s’interroge sur le passage du temps à travers le cadre statique de la peinture. Par de petits gestes dans ses compositions, elle explore la manière dont nous conservons les images au fil du temps et de l’expérience. Utilisant le lin comme support pictural, elle crée des compositions qui paraissent opaques à première vue, mais qui révèlent, à l’approche du spectateur, des détails de lieux connus et d’objets du quotidien, offrant ainsi une nouvelle poésie visuelle. Tomona Matsukawa (1987, Japon), représentée par Ceysson & Bénétière, Luxembourg, met l’accent sur l’importance des relations humaines dans ses peintures, dont les titres évoquent des conversations avec d’autres femmes de sa génération, témoignant d’un présent qui s’écoule inexorablement. Comme de petites natures mortes immortalisant un instant de la vie quotidienne, ces toiles rappellent l’importance des gestes ordinaires et la fragilité de nos actions. Les interrogations sur l’incertitude de notre époque, sans apporter de réponses définitives, se retrouvent dans les œuvres de Taisia Korotkova (1980, Russie), représentée par Galerie de l’Est - Darya Brient (C02). Elle questionne également la rapidité des nouvelles technologies, mettant en lumière des aspects contemporains de la vie humaine face au vieillissement de notre époque actuelle. Sa principale technique, la tempera à l’œuf sur gesso et panneau de bois, souligne l’importance de procédés artisanaux et longs, qui donnent du volume aux formes et plus de luminosité aux compositions. Comme parenthèse dans le quotidien, les toiles de Clara Bryon (1990, France), représentée par Quai 4 galerie (D05)deviennent un moment de suspension entre la lumière qui façonne l’architecture et la matière qui sculpte les corps. Un équilibre entre force et délicatesse qui doit trouver sa justesse picturale, dans une harmonie de géométrie et de formes qui dialoguent spontanément entre elles.
Le geste au centre de l'œuvre d'art
Tiffany Bouelle (1992, France), représentée par Galerie Porte B. (D20) explore les nouveaux médias en combinant l’héritage de la calligraphie japonaise avec la peinture, l’aquarelle, le textile et la sculpture. Elle interroge chaque geste personnel comme un symbole de création, en le comparant au monde qui l’entoure, repoussant les frontières entre art, artisanat, matérialité et gestes. Ses toiles deviennent des portails vers de nouveaux univers visuels, soulignant l’importance du geste unique comme symbole visuel dépassant les limites picturales. L’importance du geste artistique est également centrale dans les œuvres multi-couches de Myriam Holme (1971, Allemagne), représentée par Bernhard Knaus Fine Art (C01) qui, à travers l’utilisation de matériaux industriels, explore le sens de la transformation et élargit le concept de peinture. Les surfaces sont tactiles, les traces visibles de peinture se juxtaposent à des structures graphiques et des couches de métal, ouvrant de nouvelles narrations entre abstraction et matérialité. Gabriele Basch (1964, Allemagne), représentée par Galerie Carolyn Heinz (C11) est une pionnière dans la création de nouveaux motifs par le geste de découpe. Elle déconstruit pour reconstruire, après avoir coloré le revers des papiers, elle commence à découper et remodeler la matière. De nouvelles formes, grilles et motifs se forment et prennent une nouvelle vie visuelle. Une fois encore, les frontières de l’art sont repoussées : la dimension picturale s’ouvre désormais à de nouveaux motifs visuels, tels une composition musicale.