ALINE BOUVY, née en 1974 en Belgique, vit et travaille à Bruxelles et Perlé. Elle a étudié à l’École de Recherche Graphique de Bruxelles et à l’Académie Jan van Eyck de Maastricht. Les sculptures, objets et installations qui composent sa pratique sont difficiles à cerner. En effet, elle ne se contente pas de suivre des « disciplines » bien rôdées et des techniques établies, mais explore les limites et les possibilités des supports les plus divers. Concrètement, elle choisit des formes, des mots, des couleurs et des symboles qu’elle extrait de leur contexte et associe pour créer des significations nouvelles – des suites d’associations à la fois archétypales et très personnelles. Différentes strates de signification se juxtaposent, souvent littéralement. L’artiste jette un regard critique sur la société en révélant ses contradictions dialectiques : débauche et pudeur, dissimulation et étalage, désir et contrainte. Des formes reconnaissables – symboles de fertilité, ustensiles, membres – mais aussi des couleurs et des matériaux spécifiques tels que le fusain, le linoléum ou le plexiglas sont ainsi investis d’une dimension esthétique ou morale.
Haute structure en inox brossé dessinant un profil féminin, Enclosure est une allusion à la « bride de mégère » (Scold’s Bridle), un dispositif employé au 16e siècle en Angleterre pour humilier publiquement les femmes qui « parlent trop » et « troublent l’ordre public ». À cette même époque se développa, toujours en Angleterre, le mouvement des enclosures, qui vit s’opérer une privatisation de l’agriculture caractérisée par la suppression progressive des terres communes et le développement d’une économie cherchant à maximaliser le profit ; une évolution qui se fit au détriment des femmes, cantonnées dès lors à une activité reproductive non monétisée (produire des « ressources humaines » en élevant des enfants…). L’auteure féministe Silvia Federici, dont l’ouvrage Caliban et la Sorcière a inspiré Aline Bouvy pour cette pièce, trace en effet un parallèle entre les chasses aux sorcières diabolisant la « femme prolétaire » et l’essor du capitalisme. Dans l’espace intérieur d’Enclosure, symbole de la domination patriarcale, Aline Bouvy a semé de la belladone, une plante très toxique ayant également des vertus thérapeutiques, cosmétiques (elle dilate les pupilles) et hallucinatoires. La belladone fut associée au sabbat des sorcières et par extension au tabou entourant la jouissance féminine, car la plante pouvait provoquer des états d’extase.
Avec le soutien de Nosbaum Reding, Luxembourg/Bruxelles et de la Ville de Luxembourg