En 2020, le sociologue et philosophe des sciences Bruno Latour était invité avec le commissaire d’exposition Martin Guinard à imaginer la Biennale de Taipei sur l’île de Taïwan. Le projet, intitulé « You and I don’t live on the same planet » (« Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète ») questionnait les conflits liés à la question écologique et a réuni 57 artistes, collectifs et intervenants. Présenté entre novembre 2020 et mars 2021 au Musée des Beaux-Arts de Taipei, il était complété par des ateliers et programmes publics orchestrés par Eva Lin. Si le succès a été considérable auprès du public local, la pandémie mondiale a empêché la biennale d’avoir le retentissement international qu’elle aurait dû susciter, les frontières taïwanaises étant restées fermées pendant la durée de l’événement.
Face à cette situation et devant l’actualité brûlante du sujet, le Centre Pompidou-Metz invite de manière exceptionnelle la Biennale de Taipei 2020 et ses commissaires à investir ses espaces entre novembre 2021 et avril 2022, pour une réitération d’une partie de l’exposition, mettant à l’honneur la scène taïwanaise et les propositions des artistes formulées pour cette biennale.
Comme l'affirment les commissaires : « Si nous vous demandions, sur quelle planète vous vivez, vous pourriez trouver la question bizarre et la réponse évidente : la Terre ! Et pourtant, ce n'est pas la même chose de vivre comme les Modernes qui utilisent les ressources de six planètes et de vivre dans les limites d'une seule, fragile et limitée.
Dans un contexte où les démocraties connaissent une montée des populismes et où les dictatures présentent des menaces de plus en plus pressantes, notre hypothèse est que le changement climatique ne sera pas simplement une question parmi d'autres mais risque d’encadrer la discussion politique toute entière. Et les désaccords sont de plus en plus nombreux sur la manière de garder le monde habitable, non seulement parce que les opinions politiques divergent, mais surtout parce que nous ne semblons pas être d'accord sur ce dont la terre est faite. Certains pensent même aujourd'hui que le monde est plat !
C'est comme s'il existait plusieurs versions de la Terre, avec des propriétés et des capacités si différentes qu'elles sont comme des planètes distinctes. Leur attraction gravitationnelle influence énormément la façon dont vous vous sentez, la façon dont vous vous comportez et, bien sûr, la façon dont vous prévoyez votre avenir. »
Le défi que souhaite relever cette biennale, à travers le travail des artistes, architectes ou scientifiques invités, est de rendre visibles ces différentes conceptions, ces différentes réalités, afin que le visiteur prenne la mesure de la transformation de ce qui était autrefois présenté comme un ensemble de questions périphériques, en un ensemble de luttes politiques plus urgentes et plus tragiques que jamais.
« Où atterrir ? » « Sur quelle planète vivons-nous ? » « Qui suis-je ? » ; telles sont les questions que Bruno Latour continue à explorer à travers la Biennale de Taipei 2020 et au Centre Pompidou-Metz désormais. Elles sont au cœur de ce qu’il nomme le « nouveau régime climatique ». En abordant la question d’une manière géopolitique, les commissaires espèrent mettre en place de nouvelles rencontres diplomatiques. Pour cela, quel meilleur endroit qu’un espace d’exposition, puisque c’est précisément la question de l’espace qui nous divise si profondément ?
Créée en 1992 par le Taipei Museum of Fine Arts, la Biennale de Taipei s’est imposée comme un événement artistique majeur en Asie, et ses dernières éditions se sont orientées vers les problématiques environnementales.
Commissariat
Bruno Latour et Martin Guinard, avec Eva Lin.
Exposition conçue et produite par le Taipei Fine Arts Museum pour la Biennale de Taipei 2020 et adaptée par le Centre Pompidou-Metz. Avec le soutien exceptionnel du ministère de la Culture de Taïwan et en partenariat avec le Centre culturel de Taïwan à Paris.